L’ère du vide
C’est le titre d’une série d’essais de Gilles Lipovetsky dont la première édition remonte à 1983 et qui furent largement prospectifs.
Il décrit en termes psychosociologiques les fondements des sociétés occidentalisées. Il s’agit d’étudier, sur la psyché de tous ceux qui y sont soumis, les effets de la société de consommation de masse. Il nomme ces effets « le procès de personnalisation ».
Cela produit l’hyperindividualisme, l’indifférence à tout ce qui ne touche pas sa sphère personnelle : « Notre temps n’a réussi à évacuer l’eschatologie révolutionnaire qu’en accomplissant une révolution permanente du quotidien et de l’individu lui-même : privatisation élargie, érosion des identités sociales, désaffection idéologique et politique, déstabilisation accélérée des personnalités … » (p.9 de l’édition de poche).
Le chapitre central est le chapitre III dont on pourra lire l’intégralité en cliquant sur le lien suivant : il s’agit d’analyser un des traits fondamentaux de la subjectivité contemporaine : le narcissisme.
Le narcissisme peut être défini rapidement comme l’amour immodéré de soi. Alors que les siècles passés, sous l’influence du christianisme, nous apprenaient que « le moi est haïssable », notre époque trouve au contraire dans la subjectivité le fondement de tout (C’est le fameux « je pense donc je suis » de Descartes), de l’être et du non-être, de Dieu, de la croyance, de la morale, du droit …
Le narcissisme est la conséquence directe du subjectivisme et de son corollaire sur le plan politique, l’individualisme : il s’agit pour chaque individu de développer ses potentialités, d’exprimer ce que chacun recèle au-dedans de lui.
Mais cette expression de soi n’existe que si elle est reconnue par l’autre : d’où cette contradiction insupportable du narcissisme qui ne peut exister que s’il est reconnu de l’autre ; d’où cette violence envers l’autre qui refuserait de reconnaître la souveraineté de Sa Majesté le Moi … D’où les pathologies du narcissisme comme la dépression, l’addiction, les conduites à risque pour dépasser les limites …
50 ans de culture individualiste a fini par mettre la planète sans dessus dessous : les limites des ressources naturelles sont atteintes. L’acidification des océans à cause des émissions de CO2 menace toute la chaîne alimentaire dans le milieu marin … Le dégel du permafrost libère du méthane dont les effets sur le réchauffement climatique est plus important que le CO2 …
Bref c’est une vraie catastrophe au sens de la théorie mathématique des catastrophes dont les effets sont irréversibles. On ne peut pas remonter le temps.
Les cigales commencent à se lamenter : « qu’avons-nous fait ? »
Les autres continuent à faire l’autruche ou à danser comme les passagers du Titanic pendant que le navire était en train de sombrer …
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