Parmi les « nouvelles » maladies de l’âme, une place à part doit être réservée à la dépression, qui se caractérise lorsqu’elle est légère par des émotions comme le découragement, la tristesse ou l’irritabilité, et aussi par l’impression de ne pas avoir de valeur comme individu.

On ne discute plus de nos jours de savoir si la dépression est une maladie ou non. Selon l’OMS, elle sera la deuxième cause de morbidité dans le monde après les maladies cardiovasculaires en 2020 (article en anglais ici), mais pendant longtemps elle fut considérée comme un simple symptôme d’une maladie sous-jacente comme une névrose.

Pour une histoire rapide la dépression se reporter à l’ouvrage du sociologue Alain Ehrenberg, La Fatigue d’être soi, Dépression et société, aux éditions Odile Jacob. Le chapitre III la qualifie de pathologie indéfinissable. Quoiqu’il en soit, la découverte des antidépresseurs a changé certainement la vie de centaines de milliers de patients.

Le plus difficile pour les patients c’est de se reconnaître dépressifs : la dépression apparaît comme une « maladie honteuse ». En effet, se reconnaître dépressif, c’est reconnaître la faiblesse de son Moi. Or, dans la société de « l’individualisme de masse », avoir un Moi faible, c’est être du côté des « losers ».

La psychanalyse (de plus en plus honnie car s’opposant à cette objectivation du sujet propre au monde contemporain) nous apprend que la dépression est une pathologie du moi qui est dévalorisé par un idéal du moi (ou surmoi) féroce et critique.

Une dépression névrotique traitée tombe progressivement lorsque le sujet reconnaît peu à peu grâce à une psychothérapie les exigences exorbitantes du surmoi. Encore faut-il tomber sur un bon psychothérapeute qui respecte une charte éthique et qui ne profite pas des faiblesses du malade pour abuser de lui et le manipuler, même si toute psychothérapie est une manipulation mentale in fine, car il s’agit de changer la représentation que le sujet a de lui-même, des autres et du monde. C’est le souci éthique du patient qui est discriminant pour le choix d’un psychothérapeute.

La reconnaissance d’une maladie mentale n’est pas évidente à cause des résistances des patients ou autres mécanismes de défense plus primaires tels que la dénégation.

La vérité chemine progressivement contre ce qui lui fait obstacle, avant de faire certitude et évidence.

En résumé, pour les freudiens, la dépression est un conflit entre le moi et le surmoi : dans les sociétés hypermodernes, cet idéal du moi est très élevé. Il faut être toujours au top, être le premier, être le meilleur, etc.

C’est idéal s’applique à tous de nos jours, alors que dans les sociétés féodales, il ne s’appliquait qu’à l’aristocratie.

Passer par une dépression et en sortir ne peut que nous rendre plus humains et plus sensibles à la détresse d’autrui.

Share this content: