« Qu’est-ce qu’être occidental ? » demande Levinas dans Difficile liberté (p. 73 de l’édition de poche) en faisant un compte-rendu d’un recueil d’articles de Léon Brunschvicg publiés avant-guerre.
L’article a été publié pour la première fois en 1951 dans le numéro 17 de la revue Évidences.
La question n’a pas perdu de sa pertinence à l’heure de la mondialisation.
Mais pour répondre à la question posée, il aurait fallu définir d’abord l’Occident.
L’Occident est-il un concept ? Une idée ? Une réalité géo-politique ? Une aire socio-culturelle ? C’est tout cela à la fois, tant le terme est polysémique et polémique.
En effet, on ne peut définir l’Occident en tant que concept sans définir son Autre, ce qui n’est pas l’Occident, ce qu’il n’est pas.

Appelons l’Autre de l’Occident l’Orient et notons que cette manière binaire de poser les problèmes et de définir les concepts est déjà un héritage culturel caractéristique de l’Occident.

En effet, on pourrait utiliser le tétralemme de Nagarjuna pour poser le problème : cela donnerait quatre questions.

  • qu’est-ce que l’Occident ? (x)
  • qu’est-ce qui n’est pas l’Occident ? (~x – le ‘~’ est le symbole de la négation en logique)
  • qu’est que l’Occident et le non-Occident ? (x ^~x – ‘^’ symbole du ‘et’ logique)
  • qu’est-ce qui n’est ni l’Occident, ni le non-Occident ?

Pour simplifier les choses, contentons nous de définir l’Occident et le non-Occident en tant qu’aire culturelle. La culture, c’est ce qui impose une manière d’être, de penser, de percevoir la réalité aux membres qui la composent.

La culture occidentale s’appuie sur la civilisation grecque et sur la Bible.

Des philosophes grecs, nous avons reçu l’individualisme (« Ose penser par toi-même » disait Kant qui résume ainsi l’individualisme), le rationalisme (seul ce qui est établi de manière démonstrativement certaine est indubitable. Le reste tombe sous le coup du doute. Il ne faut donc pas se fier à ce que nos sens perçoivent. Cela a permis le progrès des sciences); la connaissance désintéressée, savoir pour assouvir le seul désir de savoir. Par contraste, les chinois ont inventé la poudre à canon, mais dans le cadre de recherches taoïstes sur l’immortalité.

De la Bible, nous avons hérité l’universalisme – donc la tendance à l’hégémonie – et la méfiance envers la culture de l’autre considérée comme satanique, ainsi qu’une téléologie de l’Histoire.

De par ces composantes culturelles, nous pouvons affirmer que la construction d’un monde multipolaire relève du vœux pieux, à moins que l’un des piliers de la civilisation occidentale ne soit détruit, à savoir le christianisme.

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